Jean-Nicolas Bouilly «LE BAL MANQUÉ»

Ученик Арно Беркена (Arnaud Berquin), Жан-Николя Буйи (Jean-Nicolas Bouilly) [1763—1842] всегда хотел подражать своему учителю, с которого с удовольствием брал пример.

Жан-Николя Буйи

Жан-Николя Буйи

Буйи принадлежит к писателям сентиментального и поучительного жанра, к которому также относятся мадам де Женли (Madame de Genlis) и Беркен. В начале творчества Буйи считали драматическим автором. Он написал для детей «Непринужденные разговоры», «Сказки моей дочери», «Сказки моим подружкам». Благодаря этим произведениям он быстро достиг такой же известности, что и Беркен. В коротких сказках, которые напоминают рассказы учителя, Буйи воспевает честность, мораль и простоту жизни. Буйи прекрасно говорит о доброте и благотворительности. Он тщательно описывает обычаи и вкусы детей своей эпохи. Сюжет его сказок совершенно несложен и даже кажется простоватым. Одна из таких историй – сказка о пропущенном бале, которую Вы можете прочесть ниже. В этом рассказике отец семейства вначале переодевается в старого нищего, а затем в старого негра чтобы испытать доброту своих маленьких детей.

LE BAL MANQUÉ

Paul et Virginie, enfants de M. et de Mme des Arcis, qui tenaient un rang distingué parmi les notaires de Paris, étaient encore plus unis par la tendre amitié qu’ils se portaient, que par les liens du sang. Ils ne pouvaient se quitter, avaient les mêmes goûts, les mêmes penchants. Partout on rencontrait le frère et la sœur, tantôt avec leurs parents, tantôt avec une personne de confiance, qui jamais ne les perdait de vue. En un mot ces deux aimables enfants ressentaient l’un pour l’autre ce tendre et mutuel attachement qui dépeint si bien Bernardin de Saint-Pierre dans son roman des deux Créoles, et les deux noms qu’ils portaient achevaient de compléter l’illusion.

Un jour qu’ils étaient invités à un bal déguisé très-brillant, qui avait lieu dans la rue qu’ils habitaient, et précisément en face de leur maison, ils conçurent l’idée de représenter un épisode du ballet de Paul et Virginie, et dans cette vue ils étudièrent un pas de deux assez difficile dans lequel ils déployaient une grâce charmante et même du talent.[…] Ils se proposaient d’entrer dans le bal, feignant de se sauver de la pluie, en mettant leurs deux têtes charmantes sous la jupe de Virginie. Cent fois ils avaient répété cette heureuse position d’après une des gravures du livre qu’ils avaient lu si souvent ensemble, et qu’ils savaient à peu près par cœur; enfin tout était préparé.! […]

Mais le destin, qui se plaît souvent à déranger les projets les mieux conçus, voulut que ce jour-là même un parent de M. des Arcis, qui demeurait à peu de distance, mourût subitement. Cet événement, répandu dans tout le quartier, ne permit pas à Paul et à Virginie de se présenter le soir dans le bal brillant où ils étaient invités. […]

Virginie était plus sensible que son frère à la privation du bal. L’habillement créole lui allait si bien! elle était si jolie sous le simple petit fichu de madras rouge qui devait orner sa tête! Elle ne pouvait cacher son dépit; elle le laissait éclater à chaque instant. Paul au contraire avait pris son parti; il proposa à sa sœur de demander à leur père la permission d’aller faire un goûter à une maison de campagne qu’il avait aux environs de Paris, afin d’être un peu dédommagés de la privation qui leur était imposée. M. des Arcis y consentit, loua une voiture de place pour le reste de la journée, et les confia à un ancien domestique qui les avait vus naître. On s’amusa à mille petits jeux avec plusieurs jeunes gens du village où la maison était située; on fit le goûter le plus délicieux, et le soleil, qui ce jour-là parut dans tout son éclat, permit même de faire une longue promenade dans le bois de Vincennes, situé tout près de la maison de campagne de M. des Arcis. Enfin, après avoir prolongé dans le salon les plaisirs de la journée, on se sépara sur les neuf heures du soir, et le fiacre ramena chez eux Paul et Virginie.

Ils aperçurent, en descendant de voiture, les lampions qui entouraient la porte de l’hôtel où le bal avait lieu; ils entendirent résonner l’orchestre et le bruit de la danse.

«Nous y serions en ce moment, dit en soupirant Virginie, sans ce vieux parent si avare qui s’est laissé mourir. — On dirait qu’il l’a fait exprès pour nous priver du bal, ajoutait Paul en soupirant. Quelle jolie entrée nous eussions faite tous les deux! Comme nous aurions été gentils sous ta jolie jupe verte — Il n’y faut plus songer, mon frère. – Ce sera pour une autre fois, ma sœur: nous n’aurons pas toujours un vieux cousin qui se laissera mourir pour nous contrarier.»

Comme ils achevaient ces mots, ils aperçurent auprès de la porte cochère un pauvre mendiant dont la figure était cachée sous un ample chapeau rabattu, et qui paraissait exténué de besoin. Il vint leur demander l’aumône avec un accent si vrai, si pénétrant, que Paul, êmu de pitié, dit à sa sœur:

«Regarde, quel contraste! on s’amuse là-haut, on danse, on est heureux, tandis qu’à la porte, la misère, le froid et la faim accablent la vieillesse. — Que ce pauvre mendiant me fait de peine! ajouta Virginie. — Eh bien! ma sœur, il me vient une idée qui pourra nous dédommager entièrement du bal manqué; calculons ce qu’il nous en eût coûté pour y paraître, et employons cet argent à soulager, à revêtir ce pauvre vieillard. — De tout mon cœur, répondit Virginie. Pour compléter notre déguisement, il nous eût fallu à chacun une paire de chaussures élégantes, une de gants blancs; à toi, Paul, une chemisette à la créole; à moi, un petit tablier de mousseline des Indes tout cela nous eût coûté au moins quarante francs; eh bien! donnons-les à ce mendiant, dont la voix suppliante nous cause tant d’émotion; il pourra employer cette somme à se vêtir, à soulager sa misère, et, par ce moyen, notre argent nous aura toujours fait jouir d’un moment heureux. — Justement, ajouta Paul, j’ai sur moi la pièce de quarante francs que notre père nous donna hier pour notre mois; donne-la toi-même au mendiant: de ta main, cette offrande lui fera plus de plaisir encore…»

A ces mots, Virginie remit la pièce d’or au vieillard, qui pour toute réponse saisit la main de la jeune demoiselle, et la pressa si vivement qu’elle en fut effrayée; mais bientôt, ne voyant dans ce mouvement involontaire que l’expression de la reconnaissance, elle se rassura, et invita le vieillard à se retirer dans quelque gîte où il pût prendre une nourriture salutaire, et surtout se bien réchauffer. Le frère et la sœur, satisfaits de cette bonne action, sur laquelle ils recommandèrent le plus grand secret à la personne qui les accompagnait, rentrèrent chez eux, où ils ne trouvèrent que leur mère, M. des Arcis s’étant absenté toute la soirée pour une affaire importante.

Quelques jours après, Paul et Virginie, déjeunant avec leurs parents, réitérèrent leurs regrets d’avoir manqué le bal qu’on leur avait dit être aussi brillant que bien choisi. M. des Arcis leur annonça que le vieux cousin qui leur avait causé cette privation ne leur étant parent qu’au troisième degré, il se proposait, sitôt la quinzaine de deuil passée, de les dédommager de la fête dont ils avaient été privés, en leur donnant chez lui un bal masqué, dans lequel ils pourraient danser leur pas de deux, et paraître sous les costumes charmants qu’ils regrettaient à si juste titre. Cette nouvelle combla de joie Paul et sa sœur. […]

Enfin arriva ce jour tant désiré: c’était justement un des jours gras. L’assemblée fut nombreuse. Mme des Arcis se trouva la seule qui, pour faire les honneurs de sa maison, ne fût pas déguisée.

Lorsque tout le monde fut réuni, Paul et Virginie parurent dans le costume qu’ils avaient préparé depuis si longtemps. Leur entrée, qui retraçait si fidèlement celle que Bernardin de Saint-Pierre décrit avec tant de charme, produisit tout l’effet qu’ils en attendaient. Leur pas de deux mit le comble à l’illusion: jamais on n’avait déployé plus de grâce et de souplesse.

Au moment où le frère et la sœur, tout essouflés, allaient se reposer, ils éprouvèrent à leur tour la plus agréable surprise, en voyant entrer dans le bal un masque qui, sous le costume du vieux nègre accablé de fatigue, ainsi qu’il est dépeint dans le roman, s’approcha d’eux, et leur adressa les paroles les plus touchantes, les remercîments les plus expressifs du secours généreux qu’ils lui avaient accordé.

«Que veux-tu dire, bon noir? lui répondit Paul; j’ignore, ainsi que ma sœur, quel secours… — Oh! moi jamais perdre mémoire de bienfait, reprit le masque, saisissant une main de la jolie créole, et la portant à ses lèvres… — Explique-toi donc, ajouta Virginie; Paul a raison: ni lui ni moi, n’avons jamais rien fait; tu te trompes, assurément. — Oh! moi avoir bons yeux, répliqua le masque: vous tous deux, l’autre soir, avoir rencontré moi mourant de froid, de faim: moi demander charité; vous tout de suite donner à pauvre vieillard pièce d’or que lui vouloir garder toujours… oh! toujours!..»

En achevant ces mots, l’inconnu tira en effet de sa ceinture une pièce de quarante francs, qu’il baisait et contemplait avec ivresse. Paul et Virginie, surpris, se regardèrent d’abord l’un l’autre sans pouvoir proférer une parole, puis, tout à coup prenant dans leurs bras ce vieux nègre, ils voulurent le connaître. En vain l’inconnu résista; son émotion l’empêcha de continuer à déguiser sa voix: Paul et Virginie reconnurent leur père, qui, se démasquant et pressant ses deux enfants sur son cœur, leur avoua qu’il avait voulu éprouver s’ils avaient en effet les sentiments des deux charmants personnages qu’ils représentaient; c’était lui qui, sous l’habit d’un pauvre mendiant, les avait abordés lorsqu’ils descendaient de voiture.

Toute l’assemblée, instruite par M. des Arcis de ce qui s’était passé, applaudit à l’épreuve du père, à la générosité des enfants. Chacun alors se démasqua, et s’empressa de prodiguer mille caresses à Paul et à Virginie, qui répétaient, avec une joie vive et franche: «Oh! que nous sommes bien dédommagés du Bal manqué!»

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Рисунок писателя: www.philatelia.ru


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